Les parcours d’achat se numérisent, transformant les missions commerciales : porte à porte, démonstrations sur site et rendez-vous physiques se raréfient au profit de rendez-vous de conseil et d’accompagnement. Ce changement dans les pratiques est mû par une évolution culturelle profonde qui entraîne indubitablement une révolution du métier de commercial. Les habitudes de prospection sont bouleversées. D’abord par l’apparition de nouveaux outils numériques. Puis plus intensément quand il s’agit d’identifier des cibles et des prospects, mission aujourd’hui majoritairement maîtrisée par les métiers de marketeurs inbound.
Le lien marketing-vente, au cœur de la mutation du métier de commercial
La transformation numérique fait muter les fonctions marketing et commerciales. D’un côté, l’accès aux outils numériques et au web entraîne une (r)évolution des parcours d’achat. Les clients cherchent l’information en ligne et sont bien mieux renseignés, allant même jusqu’à acheter sur le web sans contact commercial. Il devient indispensable de développer des sites web accessibles, y compris en B2B. D’un autre côté, la collecte et l’analyse en masse des données numériques apportent aux entreprises quantité de connaissances utiles pour toucher les prospects et clients. Connaissances relativement faciles à obtenir et à utiliser. Cette masse est telle qu’il devient incontournable de mettre en place des actions de marketing digital. Le marketeur viendra travailler sur la connaissance fine de la cible, il sera en mesure d’identifier et de qualifier des leads, il pourra en concevoir des éléments de séduction de prospects (Inbound marketing) et de fidélisation des clients (nurturing). Le métier de marketeur s’est donc développé au point de se positionner en support des commerciaux : on parle de lien marketing-vente.
Les commerciaux peuvent maintenant être en mesure de capitaliser sur les informations générées par le marketing. En sortie d’actions marketing, il est possible de produire une liste de leads qualifiés, qu’il incombera au commerce de prospecter… ou non. Cette seconde strate de qualification, ce go/no go de prospection, est à effectuer sous un angle commercial. Le BANT (Budget – Authority – Need – Time) est l’approche la plus indiquée pour déterminer si un prospect est suffisamment mûr pour une relation commerciale, ou pas. Ici aussi, la transformation numérique révolutionne les outils que peuvent utiliser les commerciaux.
Les outils numériques de qualification du BANT
L’utilisation de CRM
Un CRM (Customer Relationship Management) est un outil de gestion de la relation client. Il existe pléthore de logiciels payants ou gratuits. Un CRM peut aussi être une simple interface développée en interne. Dans un premier temps, à défaut d’un outil performant, un tableur Excel permettra de traiter efficacement la donnée, à condition qu’il soit robuste, que la quantité d’information soit restreinte mais pertinente, et que le tout soit correctement rempli.
Le CRM est l’outil central du lien marketing-vente. Les commerciaux ont un rôle fondamental dans l’enrichissement des données : les informations renseignées servent à la compréhension fine de la cible et à la précision des opérations marketing produits ou inbound. Ainsi, un CRM a pour vocation de stocker chaque interaction réalisée par et avec un contact qualifié, un prospect ou un client. Le suivi régulier et l’analyse de ces informations par le marketing permet de créer des listes de prospection très précises et d’alimenter la force commerciale en :
- contacts qualifiés qui se renseignent sur les produits de la marque,
- informations relatives aux besoins d’une entreprise.
Internet et plus précisément LinkedIn Sales Navigator
Des outils numériques accompagnent les commerciaux dans la qualification de leurs prospects et dans la préparation des rendez-vous. L’objectif : disposer d’une liste de prospection à jour et hautement qualifiée pour accroître le taux de transformation.
Sales Navigator est un outil professionnel proposé par le réseau social LinkedIn. Il permet de connaître plus en détail une entreprise ou un contact, dès lors que son compte existe sur LinkedIn et qu’il est suffisamment approvisionné en informations de qualité (nom, prénom, fonction, entreprise a minima). La transformation culturelle se fait au bénéfice des commerciaux : les marques et les personnes (sauf quelques exceptions) partagent quantité d’informations sur les réseaux afin d’accroître leur notoriété et leur visibilité. Sales Navigator rend donc accessibles des renseignements professionnels très utiles pour préparer un rendez-vous. Sont mises à disposition à qui sait les trouver : des renseignements sur l’entreprise, sur le contact clé ou l’ouverture d’un poste clé pour la relation commerciale, sur les autres fonctions dirigeantes, sur les projets d’entreprise… Les commerciaux les plus aguerris aux outils digitaux comme Sales Navigator pourront par la suite enrichir leur action commerciale en évoluant vers le social selling.
En couplant Sales Navigator à des outils en règle avec le RGPD, il est même possible de récupérer des adresses mails de contact.
De façon générale, Internet est l’outil fondamental pour démarrer une prospection de qualité au bon moment. Dès lors que les opérations marketing ont permis d’identifier un contact qui a démontré un intérêt pour les produits, le commerce peut agir en se renseignant sur :
- l’activité de l’entreprise
- sa situation financière
- son projet
- son besoin
- le contact clé (acheteur et/ou décideur)
Exemple d’une répartition des missions d’identification de prospects entre le marketing et le commerce :
Need
L’entreprise a un besoin |
Identifiés par le marketing inbound ou les visites fréquentes sur le site web |
Timing
C’est le bon moment |
|
Budget
Le prospect est en mesure d’acheter |
Connus du commercial grâce aux recherches sur internet
(Sales Navigator, solutions d’aide à la prospection, article sur un nouveau projet dans un magazine spécialisé, publications sur le réseau social utilisé par prospect…) |
Authority
Le prospect est le bon interlocuteur (le décideur ou l’acheteur) |
Finies les listes de contacts parfois obsolètes ou mal renseignées ; terminés les portes-à-portes coûteux en temps et en budget ; balayés le report d’une commande et la prospection trop en amont du besoin.
Les fonctions commerciales doivent tirer parti des outils numériques et évoluer vers des prospections mieux renseignées et plus précises.
Le métier du commercial 2.0 tiendrait-il surtout du conseil et de l’expertise ?
Le métier de commercial fait face à de profondes modifications de sa relation avec les clients. La transformation numérique se traduit par un accès rapide et constant à l’information. Les prospects sont en mesure de se renseigner seuls. En outre, ils sont déjà approchés par la marque ou certains concurrents à travers leurs opérations marketing. Le client, éclairé, a donc précisé son besoin au maximum et s’attend à une écoute et une compréhension plus fine de ses attentes de la part du commercial qui le prospecte. Le degré d’exigence est haut, si bien que le rôle du commercial se tourne naturellement vers le conseil. En tant qu’accompagnateur sur le projet, il doit trouver les mots justes pour séduire le client.
Les techniques de conduite d’un entretien de prospection sont remises en question. On demande aux commerciaux dits de « closing » des compétences plus techniques voire d’expertise. L’évolution tangible est de savoir mettre en avant la valeur de la solution en l’articulant avec le besoin particulier du client. La preuve de ce concept ? La baisse drastique des opérations de phoning ! Dès lors qu’il est pertinent d’amoindrir le budget des opérations commerciales tout en assurant l’accroissement du taux de transformation des devis, les opérations commerciales sont soumises à des attentes de ROI plus fortes.
Conclusion
L’apparition du lien marketing-vente fait évoluer l’organisation interne. En utilisant les bons outils et en capitalisant sur les opérations marketing, les commerciaux s’assurent un taux de transformation au plus haut. Stratégiquement, il devient indispensable, à l’aube de 2020, de sauter le pas du numérique au sein des forces commerciales. Cette transformation ne peut se faire sans prendre en compte la conduite du changement qui implique un accompagnement des équipes concernées en amont et durant l’évolution de leur fonction. Les enjeux seraient :
- Pour les commerciaux :
- Se former aux outils numériques et se familiariser avec les nouveaux parcours d’achat.
- Capitaliser sur les opérations marketing et appliquer les best practices en matière de prospection et de closing pour mettre en place un lien marketing-vente de qualité.
- Accueillir les attentes clients envers plus d’accompagnement et d’expertise comme l’opportunité d’acquérir de nouvelles compétences.
- Pour la direction :
- Prévoir la conduite du changement indispensable à tout projet de transformation en lui affectant les ressources nécessaires
- Mettre en place les mesures d’accompagnement indispensables voire même souhaitées par les équipes commerciales, parmi lesquelles on peut citer :
- La mise en place de formations
- Des moments d’échanges autour de l’organisation de la fonction et des nouveaux indicateurs, afin qu’ils soient compris et acceptés et non pas perçus comme imposés
Juliette HUZÉ
Consultante